Interview de Suzanne Mathieu, Ingénieure chimie matériaux et administratrice de l’association « Femmes Ingénieurs »

09/12/2017 6 minutesPartager sur

Suzanne fait partie de la communauté #LesIntrépides, ces femmes qui évoluent dans des secteurs qui manquent des talents féminins !

En quoi consiste le métier d’ingénieur(e) ?

Je ne vais pas vous parler d’un métier car celui d’ingénieur inclut des métiers très différents. Les ingénieurs font un peu de recherche car il faut créer de nouveaux produits. Ils conçoivent de nouveaux produits, ils améliorent les produits existants et testent des nouveautés. Cela concerne la partie innovation, recherche etc… Les jeunes ingénieurs commencent souvent dans cette branche-là parce qu’ils arrivent avec de nouvelles connaissances.

Ensuite, on va organiser la fabrication par exemple d’un nouveau produit qui a été développé. Le responsable de fabrication va s’assurer que les ingénieurs et techniciens savent le faire. Par contre, autour de lui, il va y avoir des personnes qui vont s’occuper de la qualité des produits qui entrent et qui sortent. Il travaille aussi avec des informaticiens, des électroniciens, des électriciens qui vont s’assurer que la ligne de production tourne normalement et tout le temps.

D’autres ingénieurs vont s’assurer que le produit répond bien au besoin. Les technico-commerciaux pourront à la fois aller voir leurs clients et échanger avec eux de leurs besoins. Quel que soit le domaine, on peut être aussi en charge de gérer une équipe. Quand on coordonne des actions, c’est très important de faire en sorte que toute l’équipe aille dans le même sens. Aujourd’hui, l’ingénieur est un chef d’orchestre et il anime toute l’équipe. Les ingénieurs peuvent aussi faire du conseil en fonction de leurs compétences.

 

Pouvez-vous expliquer vos différents métiers aux filles ?

suzanne

J’ai d’abord travaillé dans la sidérurgie, un secteur pas vraiment féminisé parce que quand je suis rentrée, j’étais la première femme ingénieure du groupe Usinor à l’époque qui s’appelle maintenant ArcelorMittal et je suis restée la seule pendant 10 ans. Les métiers de la sidérurgie étaient très connotés masculins, le statut des ingénieurs de la sidérurgie correspondait au statut du mineur, parce que dans la sidérurgie, il y a aussi des mines. Ce statut vous donnait de nombreux avantages en nature au chef de famille (vous étiez logé, vous aviez un jardinier, etc…) mais comme il le donnait uniquement au  chef de famille, je n’ai pas pu être logée. Le DRH de l’époque m’a dit pour rire « Divorcez et on vous loge ! »

J’ai été embauchée car j’avais une formation de chimiste métallurgiste, et à l’époque, on livrait beaucoup de produits au secteur automobile car nous étions dans l’Oise à proximité des usines Renault et du groupe PSA. L’automobile avait découvert deux grands problèmes qu’ils voulaient résoudre : ne plus avoir de voiture qui rouillait et qu’elles soient de plus en plus légères. J’ai surtout travaillé sur le premier sujet comme j’étais chimiste.

J’ai rapidement géré une petite équipe, il y avait de nouveaux matériaux qui apparaissaient à l’époque et j’ai d’ailleurs embauché une femme ingénieure spécialisée dans le collage, technique qui se développait dans l’automobile. J’ai ensuite été nommée chef du laboratoire. Au départ, nous étions une vingtaine, quand je suis partie, nous étions une centaine.

« Je n’ai recruté que 2 femmes ingénieures car il n’y avait pas forcément de candidates à l’époque. La sidérurgie ne faisait pas forcément rêver les filles. »

En 1987, il y a eu un regroupement des différentes sociétés  sidérurgiques, et  au moment de la fusion des deux entités, celle de l’Est et celle du Nord j’ai quitté le labo et  j’ai pris la Direction du développement des produits au niveau de la direction commerciale. J’avais 120 personnes sous ma responsabilité qui travaillaient toute l’année, nuit et jour, il y avait des techniciens, des techniciens supérieurs, des ingénieurs etc…

 

Quelles qualités faut-il pour être ingénieur(e) ?

Les principales qualités sont la rigueur et la curiosité. L’ingénieur(e) doit essayer de trouver des solutions à des problèmes liés à la qualité des produits entrants et proposer des solutions pour les améliorer etc… Il faut aussi qu’il/elle travaille avec les équipes de production.

 

Quels conseils donneriez-vous à une fille ou un garçon qui veut devenir ingénieur(e) ?

Pour devenir ingénieur(e) plusieurs voies sont possibles : Classes préparatoires, Ecoles d’ingénieurs à prépas intégrées, BTS,DUT, licence.. En intégrant une école d’ingénieurs, les jeunes vont être amenés à faire de nombreux stages pendant au moins 1 an et demi en France et à l’étranger (ils doivent avoir un bon niveau en anglais). Ces expériences-là vont leur permettre de mettre en avant dans leur rapport de stage par exemple quelles ont été les difficultés rencontrées, les solutions apportées. Je leur conseille de trouver vraiment le domaine qui les fait rêver.

 

Que diriez-vous aux filles pour leur donner envie de faire des études d’ingénieur(e) ?

En tant que membre de l’association Femmes ingénieurs, j’interviens avec mes collègues dans de nombreux établissements scolaires. Nous avons un vivier de plus de  450 femmes ingénieures qui sont prêtes à intervenir dans les lycées et collèges avec nous. Aujourd’hui, toutes les écoles d’ingénieurs sont ouvertes aux filles, alors lancez-vous ! La plupart des gens pensent que le métier d’ingénieur est un métier d’homme parce que les filles n’étaient pas admises avant dans les écoles.

« Aujourd’hui les entreprises cherchent des femmes ingénieures parce qu’elles se sont rendues compte que les équipes mixtes étaient plus performantes.« 

Nous organisons par exemple avec Orange une journée appelée SHADOWING  qui permet aux lycéennes de passer une journée au cours de laquelle elles sont l’ombre de la femme ingénieure qui les reçoit et leur fait découvrir son métier .

femmes ingenieurs

Quelle est la place des femmes aujourd’hui dans l’industrie ?

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises cherchent à recruter des femmes, notamment Orange, GE Healthcare, Nexter Group, etc… j’invite les filles à essayer de faire des stages dans ces entreprises car il y a entre 30 et 40% de jeunes qui sont embauchés suite à leur stage.

 

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