Confinement : rencontre avec Jacqueline, psychiatre

07/04/2020 Partager sur

En période de confinement, le mental est important. Les psychologues et les psychiatres sont sollicités pour nous aider à gérer notre quotidien. Nous avons rencontré Jacqueline qui nous éclaire sur son métier et son rôle en cette période très spéciale. 

Jacqueline, aujourd’hui à la retraite, rêvait au départ de commerce international mais poussée par sa famille, elle s’est lancée finalement dans des études de médecine qui lui ont permis de devenir psychiatre et de s’épanouir complètement dans ce métier ! Découvrez notre interview ci-dessous :



En temps de crise sanitaire comme celle d’aujourd’hui, le confinement peut être mal vécu. Quel est le rôle du psychiatre ?

En début de confinement, il n’y a pas encore de graves décompensations psychiatriques. Le confinement exacerbe les difficultés relationnelles préexistantes dans la famille, l’autre pouvant être rendu responsable de la frustration ressentie. L’animosité, la colère, voire la violence, sont des manifestations de ce mal-être. L’hypersomnie peut-être un refuge. Les psychiatres craignent beaucoup la période de sortie de confinement, avec les inévitables ajustements socio-économiques. Les plus faibles seront les plus touchés, et donc les enfants tout particulièrement.

 

Quels conseils pouvez-vous donner à un jeune pour mieux vivre son confinement ?

« Préparer dès maintenant la sortie de crise en gardant un objectif ! Essayer d’anticiper la reprise des cours et des activités sociales, sportives, professionnelles. »

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Pour y parvenir, essayer de conserver un rythme de vie aussi « normal » que possible : se lever à l’heure habituelle, faire sa toilette, ne pas rester en pyjama, petit déjeuner léger étant donné le peu d’activités physiques. Conserver les temps d’études. Les (bonnes) habitudes doivent être maintenues, autant que faire se peut. Se coucher et s’endormir à l’heure habituelle, prendre ses repas ensemble, à l’heure habituelle. Entretenir son environnement : ménage, rangements. Maintenir des relations sociales  et essayer d’être bienveillant(e) au minimum respectueux(se) des colocataires (les parents peuvent être énervés, les frères et sœurs aussi…). Éviter de répondre aux provocations (« la parole est d’argent, mais le silence est d’or ! »).

Enfin, prendre soin de toi et des tiens. Etre attentif à eux, et essayer de ne pas se réfugier totalement dans le monde virtuel de l’écran. La façon de toucher l’autre est importante (les mots peuvent tuer, le regard aussi…).

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Quelle est la différence entre la psychologie et la psychiatrie ?

On peut dire globalement que la psychologie traite du mental « normal » (du grec psukhé = âme , et logos= science). Elle est enseignée dans les facultés de lettres et sciences sociales. Le niveau d’études requis est bac+ 5.

La psychiatrie s’intéresse aux formes pathologiques , à la maladie mentale. Elle est une spécialité de la médecine, et donc enseignée à la faculté de médecine. C’est une spécialité médicale dont l’objet est l’étude et le traitement des maladies mentales, des troubles psychologiques. 

Le niveau d’études requis est bac+ 10 (études de médecine généraliste pendant 6 ans, puis concours de l’internat pour orientation de spécialité : 4 ans pour la psychiatrie).

 

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Racontez-nous votre parcours pour devenir psychiatre …

A 17 ans, et avec un bac scientifique en poche, la grande difficulté est l’orientation. Je souhaitais intégrer une école de commerce ; toute la famille s’est liguée pour me pousser vers la médecine. Je n’ai pas eu la force de m’y opposer. Revanche sociale d’une famille de petits artisans ?

Les études de médecine sont prenantes et très longues, en particulier à un âge où on est censé devenir autonome sur le plan financier par rapport aux parents. L’État aide maintenant par des bourses d’études et des aides au logement. À l’époque, c’était une chambre chez l’habitant, restaurant universitaire midi et soir, pas de cinéma, pas de voiture, pas de téléphone portable, et vacances « utiles » (monitrice ou infirmière dans les colonies de vacances, ramassage de fruits, remplacement d’assistante dans des cabinets médicaux, d’aide-soignante dans des cliniques, gardes de nuit…). La réussite aux examens de fin d’années était une nécessité financière et morale. 

Dans le cours des études de médecine générale, les externes sont affectés dans différents services de médecine ou chirurgie, par tirage au sort, avec changement tous les 6 mois. C’est ainsi que, par hasard, j’ai été affectée (avec trois autres étudiants) dans un service fermé de psychiatrie, à l’hôpital La Grave de Toulouse.

Notre angoisse, dans la crainte de ce que nous imaginions de la folie, était telle que nous ne sommes pas sortis de la salle des externes pendant trois jours. Puis il a bien fallu aller voir les patients qui nous étaient affectés…

« Pendant ce stage, une de mes patientes me parlait dans un langage que je ne comprenais pas. Ce n’était pas une langue étrangère. Les mimiques et expressions de visage, du regard, était tout à fait normaux, et dans l’échange. Il s’agissait d’un « néo-langage ». Tout était créé, et je ne comprenais rien… C’est là que j’ai décidé de devenir psychiatre. »

Mes parents ont arrêté de me subventionner ; mon mari était là, et j’ai trouvé un travail d’interne en clinique.

 

 

 

 

 

Quel est le quotidien d’un(e) psychiatre ?

Tous les jours une rencontre avec l’autre ; jamais la même. Tout change, tout peut changer ; peut-on dire qu’il n’y a pas de quotidien ? Mais c’est sûr, jamais d’ennui.

 

Pourquoi aimez-vous votre métier ?

On ne s’ennuie jamais. La créativité de l’esprit est infinie.

 

Quelles sont les qualités et compétences nécessaires pour être psychiatre ?

« Le rôle du psychiatre est tout d’abord de poser un diagnostic. Chercher les symptômes « :

Psychiques :  dépression, troubles du sommeil, hallucinations, délire, anxiété, phobies, obsessions, addictions, troubles relationnels, troubles du comportement, confusion mentale. Somatiques : thyroïde, cancer, cardiopathie, diabète,… Les maladies somatiques sont toujours intriquées à des difficultés psychologiques, par leurs causes ou leurs conséquences. Antécédents personnels : enfance (accident de naissance-maltraitance…). Résilience. Hospitalisations. Tentatives de suicide. Antécédents familiaux : rôle de l’hérédité de certaines maladies. Evaluation de l’environnement : contexte familial, social, financier, professionnel. Le diagnostic débouche sur un traitement, qui peut être de différents ordres :

Psychothérapie (analytique, cognitivo-comportementale, de soutien…)  qui peut être confiée à 1 psychologue clinicienne formée au problème posé. Médicamenteux : anxiolytiques, antidépresseurs, anti psychotiques. Hospitalisation en milieu psychiatrique, en urgence si nécessaire. Orientation vers des établissements médico-sociaux spécialisés. Orientation vers des prises en charge paramédicales : psychomotricité, orthophonie.

Les qualités  importantes pour un psychiatre :

Une bonne capacité d’écoute, d’acceptation de l’autre. Arriver à faire abstraction de ses propres filtres et références. Ne pas juger. Être capable de compassion, sans se laisser envahir. Un esprit d’analyse qui permet de hiérarchiser les symptômes, de poser un diagnostic, puis de proposer un traitement. Du bon sens et beaucoup de patience.

 

En début de carrière, combien gagne-t-on en moyenne ? Le salaire est-il exponentiel ?

« Il y a 2 possibilités d’exercices, libéral et / ou salarié, que l’on peut exercer alternativement ou conjointement (temps partiels). »

  • En libéral, plus vous travaillez plus vous gagnez. Les charges (loyers-couverture maladie et retraite-formations, frais de comptabilité, secrétariat, frais de déplacement…) sont de 40 à 60 % de ce que vous gagnez. Les congés que vous prenez ne sont pas payés. Le tarif de la consultation est actuellement de 46.50€. En début de carrière, bien sûr, vous avez peu de patients. Il y a la possibilité d’exercer en cabinet de consultation et/ou en clinique privée. On peut s’installer seul ou en groupe (de même spécialité, ou avec d’autres médecins ou paramédicaux). L’activité d’expertise, est payée à l’acte : pour la justice, pour les assurances, pour la fonction publique, pour l’industrie pharmaceutique.

Les psychiatres libéraux sont, avec les pédiatres, les endocrinologues, et les gynécologues, les médecins les moins bien payés. Tous travaillent : aucun problème de chômage !  Les revenus ne sont pas exponentiels.

  • L’exercice salarié : le salaire augmente avec l’ancienneté.

Soit dans la fonction publique hospitalière, et vous êtes soumis à la grille salariale de la fonction publique.

« Un praticien hospitalier temps plein 1er échelon gagne 3815 € par mois net, et 6629 € par mois net en fin de carrière, auxquels il faut ajouter les primes et indemnités (gardes, astreintes…). »

Il y a de nombreux postes vacants dans les hôpitaux psychiatriques.

Soit salarié dans le secteur médico-social, les collectivités territoriales, les hôpitaux privés faisant fonction du public, (contrats de travail de droit privé ) où le salaire, le temps de travail, le mode d’exercice, les avantages sociaux, sont discutés avec votre employeur.

 

Quelle est l’évolution professionnelle d’un psychiatre ?

Bien que les psychiatres soient nombreux en France, ils ne suffisent pas à répondre à la demande. La science évolue, les ressources thérapeutiques aussi, le champ des possibilités est très large, et chacun y trouve sa place en fonction de ses intérêts, plus intellectuels que financiers.

 

Vos conseils aux jeunes qui aspirent à être psychiatre ?

Patience et ténacité !

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