Le numérique recrute des filles ! Interview de Hélène Sardin, DAF chez Squoring Technologies et Représentante des Femmes du Numérique Occitanie

30/11/2017 9 minutesPartager sur

Hélène fait partie de la communauté #LesIntrépides, ces femmes qui évoluent dans des secteurs qui manquent des talents féminins !

helene sardin

Vous êtes DAF (Directrice Administrative et Financière) chez Squoring Technologies et Représentante des Femmes du numérique en Occitanie, pouvez-vous expliquer aux filles ce que cela signifie ?

C’est le résultat de mon expérience professionnelle et de convictions personnelles.

« Je n’ai pas un parcours linéaire mais je pense qu’il est représentatif du parcours de beaucoup de femmes et des évolutions auxquelles les jeunes doivent se préparer, car nos vies professionnelles sont faites de changements et d’adaptations dans un environnement en perpétuelle évolution. »

Je suis diplômée de Sciences Po Bordeaux avec une mention économie et finance en parallèle d’études de droit et j’ai également obtenu un DESS en marketing et communication au Celsa. A la suite de mes études, j’ai toujours exercé dans des métiers liés à l’innovation, c’est un domaine qui m’a toujours énormément attiré.

J’ai tout d’abord été chargée d’études de faisabilité dans un cabinet conseil à Paris : en relation avec l’Anvar (devenu BPI France), mon rôle était d’étudier avec des porteurs de projets innovants le potentiel de leur innovation puis de réaliser des Business Plans pour les accompagner dans leur recherche de financements.

Je suis ensuite arrivée à Toulouse dans les années 90, et j’ai immédiatement travaillé dans l’informatique, chez un éditeur de logiciels qui s’appelait Verilog. J’étais responsable des études de marché, de l’analyse des ventes ainsi que de l’élaboration de business plans pour l’entreprise. De nos jours, Verilog serait qualifiée de licorne en raison de sa croissance rapide dans le domaine à l’époque très innovant du génie logiciel. Et il y avait dans l’entreprise cet esprit que l’on retrouve aujourd’hui dans les startups.

 
femmes du numeriqaue

A l’époque, y-avait-il des filles dans l’entreprise ?

Au niveau des fonctions de développement, il y avait une quasi parité hommes-femmes, avec environ 40% de femmes sur les postes d’ingénieurs en informatique. C’est quelque chose qui m’a marquée quand je suis revenue travailler dans des entreprises du numérique des années plus tard, le fait que les femmes aient disparu de ces postes.

« En outre, en tant que DAF impliquée dans les recrutements, j’ai pu constater les difficultés à embaucher des femmes sur des postes d’ingénieurs, tout simplement en raison de leur absence dans les viviers de candidatures. »

C’est dans ce contexte que je me suis rapprochée de la commission Femmes du numérique créée en 2011 au sein du Syntec Numérique, et dont je suis devenue la représentante régionale en 2015. A ce titre, je suis également membre du bureau du Syntec régional Occitanie, composé de chefs d’entreprises du numérique (Entreprises de Services du Numérique, éditeurs de logiciels, sociétés de conseil), qui constatent et déplorent également le manque de mixité au sein de leurs entreprises.

Comment l’expliquez-vous ?

J’y vois deux facteurs : en premier lieu, un grand nombre d’informaticiennes des années 80-90, qui avaient débuté sur des postes de développeuses, ont évolué vers d’autres fonctions, par exemple des fonctions commerciales ou support,  voire complètement changé de secteur d’activité.

En parallèle, le vivier ne s’est pas renouvelé, et il y a eu de moins en moins d’embauches féminines faute de candidates. Certaines explications font plus mal que d’autres.

« Ainsi il a été constaté que quand une profession commence à se valoriser, elle se masculinise. Ainsi le métier de développeur n’était pas reconnu il y a quelques décennies comme il l’est aujourd’hui. »

Or, plus les salaires augmentent, plus il y a des débouchés, plus c’est valorisant, et plus les hommes investissent le secteur au détriment des femmes. Les métiers de l’informatique qui étaient au départ considérés en partie comme du « secrétariat amélioré » donc « naturellement » accessibles aux femmes, sont devenus des métiers très spécialisés, avec de plus en plus d’experts, et dans des domaines comme l’informatique embarqué dans l’industrie, les voitures, les fusées etc… et le secteur s’est masculinisé.

En tant que représentante des Femmes du numérique, quels sont vos objectifs et vos projets ?

Notre objectif est de faire émerger cette prise de conscience, de ramener les femmes vers les métiers du numérique car cette situation est dommageable pour tout le monde. Les femmes sont les premières pénalisées car elles passent à côté de métiers extrêmement valorisés à l’heure actuelle, qui offrent beaucoup de débouchés. Le secteur du numérique est en effet très attractif, avec  80% des emplois qui sont des emplois de cadres, un salaire moyen bien supérieur au salaire moyen des autres secteurs d’activité, et des modes d’organisation du travail attractifs, comme par exemple la possibilité d’exercer en télétravail.

« C’est également une perte pour les entreprises qui souffrent d’un déficit de recrutement généralisé, et qui déplorent un grand déficit de mixité (1/4 de femmes seulement dans les effectifs des entreprises numériques). »

Or, il y a de nombreuses études qui prouvent que la mixité, ainsi que la présence des femmes dans les organes de direction et de gouvernance sont un atout pour la performance économique et financière des entreprises. Notre action vise donc aussi à aider nos entreprises du numérique à développer de bonnes pratiques en termes d’égalité et de mixité. Car il ne s’agit pas seulement d’attirer les femmes dans les entreprises, mais aussi de leur donner envie d’y rester ! Il est donc primordial d’avoir des entreprises du numérique exemplaires en matière d’égalité salariale et de gestion des carrières des femmes.

 Quelles actions mettez-vous en place ?

Nos actions s’adressent en priorité à destination des publics féminins, tout d’abord à destination des plus jeunes qui n’ont pas encore fait leur premier choix d’orientation. En effet, c’est à la fin du collège puis au lycée que se font les premières décisions d’orientation, et notamment le choix de filières scientifiques ou non scientifiques. Au moment de ces choix, il est important que les filles s’enlèvent d’elles-mêmes certains freins.

En effet, une étude de l’OPIIEC (Observatoire paritaire des métiers de l’informatique, de l’ingénierie des études et du conseil) réalisée en 2016 sur l’« Attractivité des métiers du numérique et de l’ingénierie pour les publics féminins en France » a tenté de répondre à la question : Pourquoi les filles ne vont pas vers l’informatique ?

« Les résultats de l’étude mettent en avant plusieurs freins, l’un d’entre eux étant que les filles doutent souvent de leur niveau en mathématiques et donc n’osent pas s’orienter vers des filières scientifiques qu’elles pensent réservées à celles et ceux qui ont un « bon » niveau en maths. »

Or, à niveau égal, les filles se jugent plus durement que les garçons et vont donc s’interdire des orientations que les garçons n’hésiteront pas à choisir alors que leurs résultats dans les matières scientifiques ne sont pas meilleurs, voire inférieurs. En outre, s’il faut avoir un certain niveau en maths pour certains métiers du numérique (par exemple data scientist), beaucoup d’autres métiers comme par exemple les métiers du web ne nécessitent pas d’expertise poussée en mathématiques.

Nous essayons également de faire prendre conscience aux filles de la grande variété des métiers du numérique (non, ce ne sont pas que des métiers réservées aux « geeks !) ainsi que de la diversité des entreprises du numérique, qu’elles connaissent mal. Nous allons donc dans les lycées, notamment dans les classes de seconde pour s’adresser non seulement aux filles mais aussi aux garçons puisque le numérique a de forts besoins en recrutement.

Je m’appuie pour cela sur un réseau local de professionnelles partageant les valeurs de Femmes du Numérique et qui interviennent dans les classes, car quand c’est une femme qui vient parler à des lycéens, en disant « moi, je suis professionnelle du numérique, je suis développeuse, consultante, ingénieure web » etc…  c’est une valeur d’exemple qui en dit long au niveau du message que nous pouvons faire passer aux jeunes filles.

Nous sommes en outre partenaires du projet « Boîte à métiers du numérique » porté par Science Animation, et dont le but est de proposer un serious game ayant pour vocation de faire découvrir la diversité des métiers du numérique dans les lycées. Après sa finalisation début 2018, Sciences Animation fera vivre cette boîte à métiers en la présentant dans les classes de lycées de la région. Cela constituera un excellent relais pour s’adresser aux filles qui n’ont pas encore fait leurs premier choix d’orientation.

Nous nous inscrivons enfin dans les nombreuses initiatives menées par les collectivités locales et les associations, à destination de femmes en reconversion qui souhaitent se réorienter vers le numérique pour profiter des nombreuses opportunités d’emploi que propose actuellement ce secteur.

Quelle est la première réaction des filles quand vous intervenez ?

La première réaction, c’est un intérêt poli, parce qu’elles ne se sont pas du tout projetées. C’est pourquoi il est important d’aller à leur rencontre dans les lycées, lors des salons d’orientation, ou des forums métiers, car elles ne vont pas venir spontanément. Au lycée, quand une femme vient témoigner dans leur classe en tant que professionnelle du numérique, elles réalisent qu’il existe des femmes passionnée par le numérique et qui y font de belles carrières, et que ça pourrait être elles demain !

Cela permet de susciter de véritables échanges à la fin de nos interventions, en espérant que nous aurons déclenché quelques vocations. Je suis donc convaincue de l’efficacité de ce genre d’actions de terrain comme par exemple également les partenariats que nous nouons avec des écoles informatiques comme l’IPI ou l’EPITECH qui nous accueillent sur leurs stands lors du salon Infosup à Toulouse, lieu de rencontre privilégié avec les lycéennes à la veille de leurs choix d’orientation post bac.

Quels seraient les leviers d’action pour favoriser l’orientation des filles vers les métiers du numérique ?

Il me semble important de développer la place du numérique en tant que discipline dans l’enseignement secondaire, notamment de rendre obligatoire un enseignement minimal afin que les filles prennent conscience que c’est un secteur largement à leur portée ! Car n’oublions pas que la programmation reste un langage et que le premier langage informatique (Ada) a été développé par une femme, Ada Lovelace. Il n’y a donc aucune raison pour que les filles ne se sentent pas légitimes et compétentes dans ce domaine.

Échange avec Hélène sur JobIRL !

…Ou contacte d’autres femmes du secteur Industrie sur le groupe #LesIntrépides !inscription

Vous voulez en savoir plus sur la mixité dans le secteur du numérique ?

Découvrez les résultats de l’enquête Syntec Numérique / Femmes du Numérique / Markess
« Situation comparée des femmes et des hommes dans les entreprises de Syntec Numérique en 2014. » Cliquez ICI

Découvrez le plan sectoriel signé par l’Etat et les principaux acteurs en janvier 2017, qui donne une vision de la non mixité du secteur. Cliquez ICI

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