L’aventure de Thierry, officier dans les troupes de marine

21/12/2016 8 minutesPartager sur

Thierry, 33 ans de carrière dans l’armée, nous parle de son métier d’officier dans l’Armée des Troupes de marine, qui est une composante de l’Armée de Terre.

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Pouvez-vous expliquer aux jeunes en quoi consiste votre métier ?

Lorsque l’on est officier dans les Troupes de marine (les militaires servant dans les TDM sont des « Marsouins »), on est appelé à servir alternativement dans des régiments en France métropolitaine, dans les forces de souverainetés stationnées dans les pays et territoires d’outre-mer (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Réunion, Martinique, Guadeloupe) et également à l’étranger. La fréquence des mutations est variable (entre deux et cinq ans en règle générale). Quelle que soit la garnison ou l’unité dans laquelle nous sommes affectés, nous nous entraînons afin de conserver la capacité à intervenir à tout moment sur ordre de l’autorité politique pour défendre l’intégrité et les intérêts de la France là où ils sont menacés. On peut être engagé en opération sur le territoire français comme c’est le cas en ce moment avec les opérations SENTINELLE et HARPIE en Guyane, mais aussi à travers le monde, là où l’autorité politique le décide. Actuellement, l’armée de terre est engagée dans les opérations suivantes : BARHKANE (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie), CHAMMAL (Irak, Syrie), DAMAN (Liban). Être militaire c’est aussi se tenir prêt à intervenir pour venir en aide aux populations. Nous remplissons donc des missions d’aide et d’assistance aux populations en particulier dans les territoires et pays d’outre-mer. En Polynésie par exemple les Armées interviennent quotidiennement au profit de la population. Il ne faut jamais oublier qu’un militaire doit être prêt à remplir sa mission jusqu’au sacrifice ultime s’il le faut.

Et concrètement, si vous deviez décrire une journée type ?

On ne peut pas dire qu’il y ait de journée type étant donné que le déroulement d’une journée dépend de la mission que l’on remplit. Une journée ne se déroulera pas de la même manière suivant le fait que l’on soit engagé en opération extérieure (OPEX), que l’on soit déployé sur le territoire national (OPIN) ou que l’on soit au quartier. Il y a cependant des choses que nous faisons en tous lieux et tous temps comme l’entretien de notre condition physique, l’instruction tactique et technique et l’entretien de notre armement et de nos matériels.

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Quel a été votre parcours pour arriver à ce métier ?

J’appartiens à une génération pour laquelle le service militaire était encore obligatoire. J’ai décidé à 20 ans, après avoir obtenu un BTS, de suivre une préparation militaire supérieure afin de pouvoir effectuer mon service militaire avec le grade d’aspirant. J’ai choisi de servir dans un régiment d’infanterie qui était stationné dans la ville de Berlin. Je me suis vu confier le commandement d’une section de combat composée d’une quarantaine de jeunes appelés du contingent, c’était en 1983. Très vite, je me suis rendu compte que ce que je faisais me plaisait, j’avais trouvé ma voie. Dans un premier temps, j’ai prolongé mon service militaire avant de souscrire un contrat d’engagement puis de passer avec succès le concours de l’École militaire interarmes (EMIA), à qui se trouve à Coëtquidan dans la lande bretonne.

Je suis sorti de l’EMIA en 1989 avec le grade de lieutenant. J’ai quitté début 2016 l’armée d’active après 33 années de service avec le grade de lieutenant-colonel. J’ai souscrit un contrat de réserve et je continue à servir dans la réserve opérationnelle de l’armée de terre qui fait dorénavant partie de la Garde nationale. Pour répondre à votre question, un lieutenant commande une section où un peloton soit jusqu’à une trentaine d’hommes, un capitaine commande une compagnie ou un escadron ce qui représente un peu plus d’une centaine d’hommes, un colonel chef de corps est à la tête d’un régiment soit 800 à 1200 hommes.

Quelles qualités faut-il pour exercer ce métier ?

Je vous répondrai que si vous êtes casanier, que vous n’avez pas le gout de l’effort physique, que vous fuyez le contact des autres, que vous n’aimez pas vous remettre en question, que vous voulez connaitre votre emploi du temps bien à l’avance et que vous ne supportez pas les impromptus qui peuvent le bouleverser il est plutôt difficile d’envisager une carrière à long terme dans l’armée. Il faut aimer le contact humain, avoir le goût de l’action, une certaine rigueur, le sens de la discipline et des responsabilités (la vie des hommes que l’on commande est parfois entre nos mains), être prêt à s’engager pour les autres, ne pas avoir peur de voyager souvent seul et loin de sa famille et surtout un grand sens de l’adaptation.

Qu’est-ce qui fait que vous aimez votre métier ?

C’est un métier qui m’a permis de m’épanouir, tout en me sentant utile pour la collectivité et pour mon pays, un métier qui incarne des valeurs dans lesquelles je crois. Les responsabilités qui m’ont été confiées ont grandies avec mon ancienneté, c’est un métier qui évolue au cours de la carrière.  On est appelé à exercer dans des environnements parfois difficiles, j’ai parcouru les cinq continents, j’ai dû sans cesse me remettre en question, m’adapter à des environnements, a des personnes, à des modes de vie, à des cultures et des coutumes différentes ayant eu la chance de servir dans beaucoup de pays d’Afrique, mais aussi en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, en Corée, au Chili et dans d’autres pays.

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Si vous aviez une chose à changer, ce serait quoi ?

C’est une question que je ne me suis jamais posée, car je n’ai jamais atteint dans ma carrière un niveau de responsabilité tel que je puisse être à même de faire évoluer le métier. Au contraire je me suis toujours plutôt demandé ce que je devais changer ou faire évoluer en moi pour relever les nouveaux défis auxquels mon métier me confronte. Beaucoup de choses ont changé dans les dernières décennies, les armées se sont profondément restructurées, de nouveaux matériels sont arrivés. Cet effort de la nation doit être poursuivi et accentué, car les défis à relever sont nombreux, la menace est multiforme et l’armée de terre est très sollicitée en ce moment.

 

Une anecdote à nous raconter ?

Cette petite anecdote illustre les différences culturelles. Cela s’est passé à Noël en 2011, alors que j’étais en mission en Afghanistan à la tête d’un détachement d’une trentaine de militaires français déployés dans un petit poste avancé perdu dans les montagnes afghanes. Nous étions ravitaillés par des convois logistiques qui nous emportaient vivres et munitions environ toutes les trois semaines. Notre mission était d’instruire, de préparer et d’accompagner au combat un bataillon de l’armée afghane fort de 800 hommes environ. Nous avions avec nous des interprètes afghans, avec qui nous échangions en anglais. Au matin du 24, décembre un convoi logistique nous a livré les vivres que nous avions commandés pour le réveillon du soir. Les interprètes nous ont donné un coup de main pour décharger les camions et nous ont demandé à la fin s’ils pouvaient récupérer un petit carton de bûchettes glacées. Le soir lorsque nous les avons invités à partager le repas de Noël avec nous, on leur a demandé s’ils avaient apprécié les bûchettes glacées et la réponse a été unanime de leur part « No, No pistache no good » ; nous n’avons pas trop compris pourquoi ils nous parlaient de pistaches alors que nous leur avions donné des bûches glacées à la vanille et au chocolat. Donc on leur a demandé d’aller rechercher le carton qu’ils avaient récupéré et quand ils l’ont rapporté nous nous sommes aperçus qu’ils s’étaient trompés et qu’ils avaient pris des moules décortiquées congelées qu’ils avaient mangées crues prenant cela pour des pistaches qui se dégustent à l’apéritif.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut faire votre métier ?

Tout d’abord je conseillerai à tous ceux qui le peuvent d’aller jusqu’au bout de leurs études, et de tenter d’acquérir le diplôme le plus élevé possible avant de s’engager. Lorsque l’on s’engage dans l’armée, on peut commencer sa carrière comme militaire du rang, sous-officier ou officier. On peut gravir les échelons en interne bien sûr, mais, si votre niveau d’études générales et le diplôme que vous détenez vous le permettent, il est possible d’intégrer directement l’école de formation des sous-officiers à Saint-Maixent ou l’école de formation des officiers à Saint-Cyr Coëtquidan.

Il faut bien savoir ce qui vous motive. L’armée, propose un large éventail de métiers et donc une multitude de spécialités. Il est important de bien vous renseigner avant de vous lancer sur une voie et de ne pas hésiter à contacter des militaires pour poser vos questions. Après une formation initiale commune, vous poursuivrez votre formation en vous spécialisant dans la voie que vous aurez choisie.

Si vous avez des questions sur ce métier, n’hésitez pas à contacter Thierry, sinon vous pouvez trouver d’autres infos sur le secteur défense et sécurité sur JobIRL !

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