Oenologue : un scientifique qui a du palais !

22/05/2017 Partager sur

Pascal, oenologue, est un expert du vin. Il supervise la conception des vins et est présent à toutes les étapes de vinification. Il nous parle de son quotidien dans les vignes.

oenologue

Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier d’œnologue ?

L’œnologue va majoritairement travailler dans les caves. S’il est responsable du vignoble, il est alors en charge de la production des raisins en programmant l’ensemble du travail de la vigne : plantation, taille, travaux du sol, protection contre les maladies. En cave il est responsable de l’élaboration du vin, il est également garant de sa qualité et du respect des règles définies dans le cahier des charges selon les appellations (bordeaux, vallée du Rhône…) et celles définies par l’entreprise selon le style de produit qu’elle veut concevoir.
Ses responsabilités débutent dès la définition des dates de récolte du raisin (selon les caractéristiques souhaitées pour le type de vin que l’on désire) jusqu’à la mise en bouteille pour livrer le produit sur le marché.

Aujourd’hui l’œnologue a majoritairement un rôle de cadre donc de responsable de production. Il va définir toute la gestion de production, le planning et le management d’équipe. Il peut donc se retrouver à gérer des équipes de cavistes qui vont exécuter les opérations de cave.

Cependant, si l’exploitation est petite (moins de 20 hectares), l’œnologue peut effectuer lui-même les opérations de cave telles que la gestion des fermentations pendant les vendanges, les assemblages, l’élevage… Sur les petits domaines il travaille tout seul avec soit le propriétaire, soit un œnologue conseil qui viendra lui apporter une vision extérieure. Dans les plus gros domaines il est responsable d’une équipe qui va exécuter les opérations au jour le jour, en suivant les conseils qu’il donnera.

A quoi ressemble une journée type ?

Nous pouvons distinguer deux types de journées. La première se situe pendant la période des vendanges c’est-à-dire entre mi-août, fin-octobre, et selon les régions, jusqu’en novembre-décembre (pour les vins sucrés).

Pendant cette période, le matin je vais commencer par définir le programme de réception, c’est-à-dire savoir dans quelles cuves vont les raisins pour les vins rouges et gérer la gestion des pressurages pour les blancs et les rosés. Le pressurage est l’opération qui permet d’extraire le jus des raisins. Je suis donc tout le temps dans la cave, contrairement aux autres types de journée où là je suis dans mon bureau.

Ensuite, je vais faire le tour de la cave et déguster tous les vins qui sont en cuve. Cette dégustation va définir le programme de la journée sur la gestion des fermentations ainsi que la gestion de tous les autres paramètres importants pour l’élaboration des vins, comme la température, les différents ajustements à faire au niveau de l’acidité ou de la nutrition des levures…

Ces différentes opérations sont répertoriées soit dans le cahier des charges soit dans la méthode que j’utilise. Elles sont définies lors de la dégustation, qui est mon outil de décision principal, associé à des analyses réalisées en laboratoire. J’y consacre le premier tiers de ma journée car elles définissent le travail pour tout le reste de la journée. Par la suite, je mets en place les actions nécessaires au bon déroulement de la journée et j’y participe.

Un autre bon tiers de la journée est occupé par le nettoyage, l’hygiène étant très importante en œnologie. Je vais donc nettoyer les cuves, laver les pressoirs, le sol, les pompes, les tuyaux.

En fin de journée, je vais m’occuper des tâches administratives, c’est-à-dire tout ce qui concerne les obligations réglementaires. Il est par exemple nécessaire de remplir les différents registres. Ainsi quand les organismes de contrôle passeront à la fin ou au milieu des vendanges, ils auront des supports qu’ils pourront vérifier. Je gère aussi toute la traçabilité de la production. Cette opération va permettre à l’œnologue ou au responsable de production de suivre, savoir ce qu’il fait au jour le jour, puis à la fin des vendanges, de l’année ou 3 ans plus tard, d’améliorer ses techniques et de savoir quel raisin a donné quel type de vin et comment. Elle permet aussi en cas de contrôle de montrer que ce que je fais est fait, suivi et vérifié et que mon travail est effectué dans les règles de l’art.

A quel moment avez-vous su que vous vouliez être œnologue ?

Même si aucun de mes parents n’exerçaient des métiers en rapport avec le vin ou la vigne, j’ai, depuis mes 12, 13 ans, été toujours intéressé par le vin. Cela vient sûrement du fait que j’habitais dans le Sud-Ouest de la France, Jurançon pour être précis, où il y avait des productions de vins sucrés.

Quel a été votre parcours scolaire ?

J’ai fait une classe préparatoire agro-véto qui s’appelle prépa BCPST (Biologie Chimie Physique Science de la Terre)target= »_blank »>https://www.orientation.com/prepas/prepa-bcpst.html en sortant du lycée. En dernière année au moment de choisir l’école, j’ai vu que le vin était un métier, je me suis donc dirigé vers ce secteur qui m’attirait. Je n’ai pas pu intégrer directement l’école au sein de ma formation, j’ai donc été admis dans une école d’ingénieur agroalimentaire : l’ENSCBP (Ecole Nationale Supérieure de Chimie, de Biologie et de Physique) qui est à Bordeaux. Je me suis dirigé vers cette école car en 3ème année il était possible de faire un double diplôme avec la fac d’œnologie. C’est ce que j’ai fait et 2 ans après mon entrée dans cette école j’ai pu intégrer la faculté d’œnologie de Bordeaux et passer le diplôme national d’œnologue 2 ans plus tard.

Après vos études quel a été votre parcours pour devenir oenologue ?

J’étais œnologue de Bordeaux donc ma première décision était de partir travailler en Bourgogne pour m’ouvrir l’esprit, analyser leur manière de travailler et avoir une autre expérience. Ce fut le socle de mes expériences futures car cette expérience m’a permis de lever des doutes et de prendre conscience de la réalité sur le terrain. J’ai eu l’occasion de travailler avec un œnologue qui travaillait différemment et qui avait des méthodes assez particulières. Cela m’a beaucoup ouvert l’esprit. Durant cette expérience, j’y ai aussi appris la notion de terroir. C’était une expérience d’un mois, juste pour les vendanges et vinification, au Château de Pommard.

Une fois finie, je suis retourné à Bordeaux pour faire les vendanges Bordelaises, dans une plus grosse structure qui faisait 15 fois celle de Pommard soit 30 000 hectolitres ce qui en faisait une entreprise de taille plus que moyenne.

Après cela, j’ai commencé à voyager. Il faut savoir que le vin est une activité saisonnière, donc selon les hémisphères les périodes de vendanges sont différentes, dans l’hémisphère nord les vendanges se font entre août et octobre et en hémisphère sud elles se font entre fin janvier et début mai.

Au début de l’année 2012 je suis parti en Australie faire les vendanges pendant 4 mois dans une petite cave. J’ai appris sur place qu’il est possible de faire du vin en appliquant des recettes, c’est-à-dire qu’un même schéma de vinification permet de faire des vins différents en fonction de l’origine des raisins, venant ainsi renforcer ma conviction sur l’importance des terroirs.

Je suis ensuite rentré en France, pour faire les vinifications en Bourgogne,  poursuivant ainsi un rythme de deux vendanges par an commencées en 2011. Je faisais donc une vendange dans l’hémisphère sud, de janvier à juillet, et une en hémisphère nord, d’août à décembre.

A la fin de l’année 2013 je suis parti en Amérique Latine. J’ai fait une vendange au Chili en 2014 dans une très grosse structure qui faisait 300 000 hectolitres l’équivalent de 4500 hectares (en France les grosses caves font 200 000 hectolitres). J’ai donc pu voir les très grosses productions industrielles et la manière de gérer depuis un même endroit des cépages répartis sur plusieurs espaces. J’avais sous ma responsabilité 25 ou 30 cépages, ce qui est énorme (en France on a une dizaine de cépages maximum). Cela supposait des paramètres différents pour chaque cépage. Devoir s’adapter à ces limites m’a beaucoup aidé pour la suite de mon parcours. Mais adossé à cette entreprise ils avaient une petite cave très haut de gamme rappelant ce que j’avais fait en Bourgogne ou à Bordeaux, même si c’était une production assez importante de 5000 hectolitres, en France il faut une centaine d’hectares pour produire autant.

En suivant en 2015 je suis allé au Pérou travailler dans une cave avec des volumes similaires où j’ai pu faire de la gestion de production ainsi que du management d’équipe à plus grande échelle. Le Pérou est très intéressant car il y a beaucoup de choses à développer vu qu’il n’y a pas encore d’école d’œnologie et les progrès techniques sont rapides et constants. La production est plus industrielle. Il y a donc beaucoup de choses à apporter et à développer.

Quel est votre type d’exploitation préférée ?

Tout dépend du projet. J’aime beaucoup le management de production ou d’équipe, donc je préfère une exploitation de taille moyenne ou plus : entre 50 et plusieurs centaines d’hectares. Avec 50 hectares le volume de production est moyen mais il faut assurer la gestion de l’équipe composée de 3 à 4 cavistes.

Le nombre de personnel ne dépend pas forcément de la taille du domaine mais plus de ce que l’on y fait. Si on travaille pour un grand cru Bordelais ou si l’on fait une production dans le détail il y aura beaucoup de personnes pour pouvoir tout gérer en même temps. A l’inverse, si on est dans une grosse production industrielle, 3 à 5 personnes en cave à l’année peuvent suffire car il y a des plus grandes cuves et proportionnellement moins de choses à faire.

Quelles sont pour vous les qualités essentielles pour être œnologue ?

Il faut surtout de la rigueur et de l’organisation pour pouvoir bien gérer sa production et ne rien oublier. Il faut également avoir une ouverture d’esprit pour pouvoir s’adapter à son environnement et ne pas avoir peur de changer une méthode de travail. L’endurance est indispensable pendant les vendanges car c’est une période où il y a énormément de travail à fournir. Les journées peuvent représenter entre 12 et 15h de travail. Pour la dégustation il faut une certaine sensibilité au terroir, à la vigne.

Pourquoi aimez-vous votre métier ?

J’aime le fait de travailler un produit vivant, cela implique qu’on apprend et qu’on est surpris tous les jours. Chaque millésime est différent, par exemple d’une année sur l’autre la vigne ne va pas donner les mêmes raisins ce qui donnera des vins différents. L’impression de pouvoir créer quelque chose m’est très chère, si on intervient dès la vigne, on part d’une plante que l’on met en terre pour arriver aux bouteilles de vins.

Si vous aviez quelque chose à changer dans votre métier, ce serait quoi ?

Il serait important de redonner la place capitale qu’ont les vignerons dans le métier. On a trop tendance à reconnaître le travail de l’œnologue alors qu’une majorité de la qualité du vin vient de la qualité des raisins. Ce serait donc bien de leur redonner leur place et de reconsidérer l’apport des équipes qui travaillent dans les vignes. Par exemple sur des grandes bouteilles de vin on voit la signature de l’œnologue. Pour moi l’application directe de ce changement serait de faire signer l’œnologue et le responsable vignoble.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut faire le métier d’oenologue ?

Il faudrait qu’il fasse beaucoup de viticulture, via des stages et qu’il obtienne un diplôme. Il existe le Diplôme National d’œnologue ou encore le BTS Viticulture Œnologie qui est un diplôme très reconnu et qui donne beaucoup de compétences. Ce BTS permet de développer ses savoirs en viticulture. Des savoirs qui pourraient lui manquer s’il ne fait que le diplôme d’œnologue. Il existe aussi une autre voie avec le diplôme d’ingénieur agronome, qui donne aussi beaucoup de connaissances.

Il serait aussi judicieux de faire des stages assez variés et de ne pas rester dans un seul type de structures : petits domaines, négociants ou caves coopératives. Dans tous les cas, peu importe l’endroit où il travaillera, tout ce qu’il y aura appris lui apportera énormément.

 

Si vous avez d’autres questions n’hésitez pas à contacter Pascal ou d’autres pros du secteur Agroalimentaire, Industrie Agroalimentaire en vous inscrivant sur JobIRL :inscription

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