« L’industrie est une filière d’avenir parce qu’elle se transforme », Tahar Melliti, Directeur Général de l’Alliance Industrie du Futur

24/03/2017 10 minutesPartager sur

alliance industrie du futur

Qu’est-ce que l’Alliance Industrie du Futur ?

Notre industrie a perdu, depuis de nombreuses années déjà, son attractivité et son impact dans l’économie française. L’Alliance Industrie du Futur a été créée en juillet 2015, avec pour objectif d’accompagner la transformation de l’industrie française et relancer ainsi sa compétitivité, son poids dans l’économie mais aussi son attractivité pour les jeunes. Il y a derrière ces objectifs une ambition assumée de remettre l’industrie au centre de l’économie française et de lui redonner l’image d’excellence qu’elle a eu durant de nombreuses décennies. Concrètement l’Alliance Industrie du Futur œuvre pour faire adopter par nos entreprises, petites ou grandes, les nouvelles technologies qui vont permettre cette transformation. Ces technologies sont par exemple la digitalisation, la visualisation, la réalité augmentée mais aussi la fabrication additive, appelée aussi impression 3D, la robotique, les nouveaux matériaux, les objets connectés et tant d’autres encore. Ces technologies vont diffuser largement dans le secteur industriel pour le rendre plus compétitif, plus attractif, plus riche en évolution de carrière, plus proche des nouveaux besoins qui émergent, le développement durable, l’ultra-personnalisation, et il est ainsi possible de dire qu’il se produit, sous nos yeux, une vraie mue de l’« ancienne industrie» vers une industrie plus connectée, utilisant des technologies « high tech », qui sont aujourd’hui déjà très largement adoptées dans le quotidien de nos jeunes. Aujourd’hui, l’Alliance Industrie du Futur comprend 29 membres issus d’organisations professionnelles, comme celles représentants les filières de la plasturgie, de la mécanique, de la chimie, de l’aéronautique, de l’automobile etc… mais aussi des laboratoires de recherche technologique avec des acteurs comme le CEA, travaillent sur l’innovation et les nouvelles technologies et qui mènent des travaux de recherche appliquée. Des acteurs académiques comme l’ENSAM ou l’IMT qui ont aussi vocation à travailler sur la formation.

Quelles sont les actions de l’Alliance Industrie du Futur ?

L’Alliance Industrie du Futur travaille en étroite collaboration avec l’Etat et les régions. Nous avons défini autour de nos axes stratégiques, six programmes opérationnels. Parmi ces six, trois portent probablement une dimension un peu plus prioritaire : le premier consiste à développer les nouvelles technologies que j’ai listé précédemment et faire en sorte que nos entreprises les intègrent afin de les conduire à être plus performantes, plus novatrices et au final être plus compétitives et plus proches de ses clients. On parle ainsi beaucoup de fabrication additive ; de robot collaboratif, c’est associer l’homme et le robot ; d’assemblage multimatériaux, de nouveaux matériaux, de technologies qui vont permettre de mieux produire en utilisant moins de matières premières. De façon concrète, nous contribuons à constituer des consortiums d’industriels, de laboratoires pour développer ces nouvelles technologies et ne pas être en retard face à nos grands compétiteurs qu’ils soient allemands, américains, japonais, chinois ou coréens. Il y a un vrai savoir-faire en France de haut niveau que nous voulons faire connaître aux nouvelles générations pour qu’elles se disent qu’elles vont rejoindre l’industrie, un secteur où elles vont trouver un emploi et pouvoir évoluer toute leur vie.

Nous travaillons également à mettre en avant ces meilleures technologies ou meilleurs savoir-faire français. Nous avons mis en place pour cela un label « Vitrines de l’Industrie du Futur », qui a pour objectif de valoriser auprès de l’ensemble des entreprises « utilisatrices » l’excellence française en matière de technologies de production, de conception ou encore de commercialisation. Par exemple, si une entreprise a implémenté une solution spécifique qui lui permet de mieux travailler avec ses clients et ses fournisseurs, de réduire ses coûts, d’être plus compétitive, de mieux faire collaborer ses salariés, de leur donner plus de responsabilité, parfois de réduire les taches pénibles ou encore de produire avec moins d’énergie, elle peut servir de modèle aux autres entreprises industrielles. Aujourd’hui, vingt-deux  entreprises ont été labellisées par l’Alliance Industrie du Futur, en lien avec l’utilisation des technologies que j’ai mentionnées tout à l’heure et en particulier le fort recours à la  transformation digitale. On demande également aux entreprises de réfléchir à ce qui peut les « disrupter » demain et d’anticiper cela en innovant pour ne pas disparaître au détriment d’autres acteurs qui « prendraient » leurs activités et qui mettraient leurs salariés en précarité. Les salariés de ces entreprises vont devoir se former, acquérir de nouvelles compétences, s’adapter aux nouveaux métiers liés au digital par exemple. On ne travaillera plus demain comme on travaillait il y a trente ans au sein d’organisations désormais changeantes, où il n’y aura plus de ligne hiérarchique directe. L’entreprise se transforme en s’organisant plus fortement en mode projet avec une nécessité que l’information se transmette directement et instantanément à l’ensemble des acteurs de ces projets. Plus de rétention d’information qui rend la notion hiérarchique d’antan totalement dépassée… Tout se fait par compétence qu’on va chercher où elle se trouve et que l’on va utiliser au mieux. Les managers de demain seront des personnes qui apportent leur expertise, donneront des conseils et vont orienter les équipes. Beaucoup de métiers sont en train de se transformer.

En quoi l’industrie est une filière d’avenir ?

C’est une filière d’avenir parce qu’elle se transforme, elle est en train de s’approprier tout ce qui fait la vie quotidienne des Français. Par exemple certaines nuisances qui rendaient les conditions de travail parfois difficiles voire dangereuses, tendent à disparaître, ainsi lorsque l’on visite une entreprise industrielle, on est étonné de voir qu’il n’y a plus autant de bruit comme cela était la « normalité » il y a trente ans ou quarante ans, on a l’impression d’entrer dans un quasi « bloc chirurgical » doté de nombreux outils digitaux (ex : tablettes, ordinateurs, robots, lunettes de réalité augmentée). Aujourd’hui, le digital fait partie intégrante de cette nouvelle industrie et les frontières entre l’industrie et les services disparaissent. Un ingénieur, un technicien et un salarié de manière générale peuvent à la fois travailler sur un objet physique, par exemple faire de la maintenance concrète comme changer une pièce dans un équipement de production et en même temps, ils vont utiliser leur tablette pour évaluer les impacts pour leur client final, parce qu’ils auront passé trente minutes à changer une pièce. Les services vont être associés à des produits, aujourd’hui, on vend par exemple des temps d’utilisation des moteurs d’avion. Le salarié va être attentif à l’après-vente, à la relation client, au service généré par son produit. Quand vous achetez un Iphone, vous adhérez à l’offre Apple, qui a créé tout un univers. Apple est allé au bout de la logique entre produits et services.

La robotisation va-t-elle révolutionner l’industrie ? Y-a-t-il de nouveaux métiers qui apparaissent ?

Il y a deux types de robotisation : il y a la robotisation traditionnelle avec des robots qui réalisent des tâches depuis trente ans, cela permet de gagner en compétitivité, aux entreprises de pouvoir grossir, attaquer de nouveaux marchés, voire recruter de nouveaux salariés. L’introduction de plus en plus forte de robots implique de nouvelles compétences notamment dans la production. Si vous concevez un processus industriel, ce n’est pas la même chose de le concevoir avec un robot ou avec un humain. Il faut repenser le processus industriel. Les robots vont être de plus en plus complexes et les salariés vont devoir apprendre à les piloter; la maintenance qu’il va être nécessaire de réaliser sur eux sera de plus en plus compliquée. Ensuite, il y a les robots collaboratifs, ce sont ces robots qui vont décharger le salarié de tâches difficiles mais dont la répétabilité temporelle ou spatiale n’est pas programmable. Ainsi le salarié va pouvoir le piloter à ses côtés et lui commander d’agir lorsqu’il estimera que l’action de ce cobot est plus pertinent que la sienne par exemple. Enfin, il y a le robot qui va faire partie quasi intégrante du salarié, les exosquelettes. L’humain pourra disposer d’une augmentation de ses capacités physiques. Par exemple, un opérateur qui transporte des objets de façon ponctuelle et qui peuvent être lourds, va pouvoir avec son exosquelette, réaliser cette tâche sans aucun effort, en réduisant les TMS (Troubles Musculo-Squelettiques). Cela demande des compétences particulières aux salariés qui vont devoir apprendre à travailler avec ces différents robots. Il y a des opportunités de création d’emplois, il ne faut pas nier que certaines tâches vont être remplacées mais le salarié va en avoir de nouvelles au quotidien. Les technologies vont nécessiter de nouveaux talents et on va assister de moins en moins à une segmentation du travail. Des salariés vont avoir une augmentation de leur périmètre et devenir acteurs de leur environnement en influant en amont et en aval, de ce qu’ils réalisaient auparavant et cela est vraiment nouveau et riche de potentiel !

Quelles sont les formations pour travailler dans l’usine du futur ?

De nombreuses formations sont en train d’apparaître, par exemple des « bachelors robotique », proposés par des écoles d’ingénieurs au niveau bac +3, des bacs pro, des BTS ou des licences professionnelles, qui introduisent des modules de ces technologies nouvelles, la fabrication addictive, la réalité augmentée, des nouveaux matériaux, des robots etc…

Quels profils recherchent les entreprises ?

Des profils de tous les niveaux allant du bac pro au bac +5 (ingénieur) parce qu’ils auront suivi des modules qui sont en lien avec cette industrie du futur. Les entreprises recherchent par exemple des data scientist mais elles peinent à trouver les bons profils, il faut attendre quelques années pour que les jeunes puissent se former à ce métier. Les entreprises vont avoir besoin de personnes qui s’intéressent à la fois aux données mais aussi aux équipements industriels. La valeur ajoutée du data scientist de demain sera d’avoir travaillé dans l’industrie, cela ne sert à rien d’avoir des données si on les traite de manière purement mathématique sans en comprendre les impacts « physiques » même si cette analyse mathématique est la base de cette opportunité nouvelle. Des profils nouveaux liés à la maintenance prédictive, au pilotage des nouveaux robots, à la conception de nouveaux produits avec des outils comme la réalité augmentée, à l’utilisation de nouveaux concepts comme produire en ajoutant la matière alors que jusqu’à présent on produit en enlevant de la matière, etc …

Quelles entreprises recrutent dans l’industrie ?

Aujourd’hui, beaucoup de métiers dans l’industrie sont en tension. Par exemple, les métiers autour du soudage où il y a des besoins importants. En fait, c’est tout le secteur industriel qui est concerné car il va intégrer les nouvelles technologies. Chaque client a son produit spécifique donc il faut que ce dernier soit facilement transformable. L’ingénieur de demain va concevoir un produit en s’assurant que ce dernier va être personnalisé et il va avoir une manière différente de penser. Ingénieurs et techniciens vont travailler ensemble avec les robots et devoir maîtriser les fonctions physiques et mécaniques de ces derniers, notamment celles des robots humanoïdes qui commencent à apparaître.

Moins de 15% de filles se lancent dans les filières scientifiques et techniques, ont-elles une place dans l’industrie ?

Elles ont infiniment plus de place dans l’industrie qu’il y a cinquante ans, parce qu’à l’époque on disait que l’Industrie était par exemple constituée de métiers à forte pénibilité. Aujourd’hui, la réalité des lignes de production par exemple a profondément évolué, et cette évolution est due à l’apparition de ces nouvelles technologies. Ces technologies apportent plus de liberté, plus de souplesse et peuvent apporter une réduction de toutes les contraintes qui pouvaient exister que ce soit dans la production, la relation clientèle, la relation avec les fournisseurs. La femme est l’égale de l’homme. La créativité, l’ouverture vers le monde, saisir n’importe quelle situation et y apporter des solutions, capacités qu’aucune Intelligence artificielle ne pourra disposer, seront au cœur de l’apport de l’Humain dans l’industrie du futur. La meilleure manière de donner envie aux filles de rejoindre l’industrie est de leur montrer des portraits de femmes qui ont réussi dans ce secteur, il faut les inspirer.

L’apprentissage, une chance pour l’industrie du futur ?

En effet, l’apprentissage est fondamental, il apporte une expérience terrain réelle de l’entreprise et de la qualification. L’apprentissage permet avec une quasi-certitude de décrocher un emploi, en CDI, au sortir de la formation suivie de ce modèle. C’est ce que montrent toutes les enquêtes sur ce type de formation. Avoir fait une partie de sa formation en alternance, permet de s’approprier le terrain. Les jeunes vont savoir si l’industrie les intéresse, s’ils sont plongés dans le métier plus rapidement. Cela peut éviter les erreurs d’orientation et c’est une chance pour eux de réussir leurs examens par des cas concrets et des réalisations. C’est la meilleure manière de rentrer dans l’entreprise et l’industrie est vraiment bien dotée pour cela.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut travailler dans l’industrie ?

Je lui conseille d’identifier ce qu’il ne veut pas faire, ensuite, de voir ses centres d’intérêts, de rechercher des informations notamment des témoignages de professionnels travaillant dans l’industrie, des chiffres et des situations concrètes qui vont peut-être le conforter dans son intérêt et il doit essayer de trouver la formation qui peut l’amener à son futur métier mais il doit s’informer sur toutes les voies possibles.

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